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Pédagogie par objectifs

L’enseignement apprentissage dans nos écoles, collèges et lycées est le terrain d’expérimentation et d’exercices de diverses approches pédagogiques intimement liées au cadre national d’orientation fixant les finalités et les profils de citoyens à former. Le Tchad a expérimenté évolutivement quelques approches pédagogiques dont celle par objectifs développée dans les années 1950 et 1960 par le psychologue américain Robert Mager. Elle met l'accent sur la définition claire et spécifique des objectifs d'apprentissage et vise à favoriser une meilleure compréhension des attentes et des résultats attendus pour les apprenants.
En effet, quels en sont les contributeurs et détracteurs, les avantages et inconvénients ?

La pédagogie par objectifs, telle que définie par Benjamin S. Bloom, connu pour sa taxonomie classant les objectifs d'apprentissage en six niveaux différents est une approche de l'enseignement et de l'apprentissage qui met l'accent sur la fixation d'objectifs clairs et spécifiques pour les apprenants. Selon Bloom, les objectifs d'apprentissage doivent être formulés de manière à décrire ce que les apprenants doivent être capables de faire, comprendre ou démontrer à la fin d'une période donnée. Cette approche se base sur une hiérarchie des objectifs d'apprentissage.
Selon Robert Mager, auteur et consultant en éducation, la pédagogie par objectifs est une approche de l'enseignement qui se concentre sur la définition claire et précise des objectifs d'apprentissage. Ces objectifs doivent être spécifiques, mesurables, atteignables, pertinents et temporellement définis, formant ainsi le cadre d'un enseignement structuré et ciblé. Son livre "Preparing Instructional Objectives" a grandement contribué à populariser la pédagogie par objectifs.
Ralph W. Tyler, considéré comme l'un des pionniers de la pédagogie par objectifs a souligné l'importance de définir des objectifs d'apprentissage spécifiques et a proposé un processus de planification basé sur les objectifs, connu sous le nom de modèle de Tyler.
David P. Ausubel, quant à lui, a développé la théorie de l'apprentissage significatif, qui est étroitement liée à la pédagogie par objectifs. Selon lui, l'apprentissage est plus efficace lorsque les nouveaux concepts sont reliés à des connaissances préexistantes et pertinentes pour l'apprenant.
Peter F. Drucker, bien que n’étant pas un théoricien de l'éducation à proprement parler, a contribué à populariser l'approche de la gestion par objectifs, qui a également influencé la pédagogie par objectifs. Selon Drucker, la fixation d'objectifs clairs et mesurables est essentielle pour améliorer la performance et la motivation des individus.
En somme, les objectifs d'apprentissage mesurables, définis explicitement permettent aux apprenants de comprendre ce qu'ils sont censés apprendre et de quelles compétences ils doivent être capables de démontrer à la fin de l'enseignement, de voir leur progression et de mesurer leurs propres accomplissements. Cela peut renforcer leur motivation intrinsèque et leur engagement dans le processus d'apprentissage. La pédagogie par objectifs met l'accent sur les résultats attendus plutôt que sur les activités d'enseignement. Cela permet aux enseignants de se concentrer sur ce qui est vraiment important pour les apprenants et de concevoir des activités et des évaluations qui favorisent la réalisation de ces objectifs.

A l’opposé, pour Freire, pédagogue brésilien connu pour son approche critique de l'éducation, l'approche par objectifs peut perpétuer une vision mécanique de l'apprentissage où les élèves sont vus comme des réceptacles passifs d'informations. Selon lui, l'éducation devrait être un processus interactif et dialogique, favorisant l'autonomie et la conscientisation des apprenants.
Jean-Pierre Astolfi, pédagogue français, remet également en question l'approche par objectifs. Il souligne que cette approche peut entraîner une fragmentation des connaissances où les objectifs sont définis de manière isolée sans tenir compte de leur intégration dans un ensemble cohérent. Selon lui, l'enseignement devrait se concentrer sur les compétences et les démarches de résolution de problèmes, plutôt que sur la simple acquisition de connaissances.
Ivan Illich, penseur autrichien, critique l'approche par objectifs en raison de son orientation utilitariste. Il soutient que l'éducation ne devrait pas être réduite à une simple préparation à la vie professionnelle, mais plutôt être un processus d'épanouissement personnel et de développement de la pensée critique. Selon Illich, l'éducation doit permettre aux individus de s'épanouir en tant qu'être humain, de développer leur créativité et leur capacité à remettre en question les normes établies.
John Dewey, philosophe et pédagogue américain, critique l'approche par objectifs en raison de son caractère normatif et rigide. Il souligne que l'apprentissage ne peut pas être réduit à la simple réalisation d'objectifs prédéfinis, mais doit plutôt être un processus d'exploration, de découverte et de construction active du savoir. Selon Dewey, l'éducation doit être axée sur l'expérience vécue par l'apprenant et favoriser son engagement actif dans le processus d'apprentissage.
En se concentrant uniquement sur les objectifs spécifiques et mesurables, il y a un risque de réduire l'apprentissage à une simple liste de compétences et de connaissances à acquérir au détriment du développement des compétences transversales, de la créativité et la réflexion critique et un manque de prise en compte du contexte et des besoins individuels des apprenants. Les objectifs d'apprentissage peuvent parfois être trop rigides et ne pas prendre en compte les différences individuelles des apprenants. L'accent mis sur la réalisation des objectifs peut créer une pression excessive sur les apprenants.

Bien que la pédagogie par objectifs ait été influencée par des théoriciens de l'éducation, tels que Benjamin S. Bloom, Robert Mager et Ralph W. Tyler pour qui elle met l’accent sur les résultats, d’autres pédagogues comme John Dewey soulignent que l'apprentissage ne peut pas être réduit à la simple réalisation d'objectifs prédéfinis, mais doit plutôt être un processus dynamique et interactif, favorisant le développement de compétences, de pensée critique.
Toutefois, elle demeure l’approche la plus utilisée dans l’enseignement au Tchad, même si d’autres approches sont aussi vulgarisées dont l’approche par compétence depuis 2000 et la méthode active qui est plus qu’hybride. 

Par Bouayom Anderson Djimadoum